« Dans le "travail de mémoire" je mets tous les efforts que nous devons faire auprès des jeunes pour leur montrer les horreurs dans lesquelles pourraient les entrainer, comme furent entrainés certains de leurs ainés, leur éventuelle absence de réactions devant l'injustice, l'exclusion, la barbarie. Dans ce "travail de mémoire" il faut leur montrer aussi que les bourreaux étant des gens ordinaires comme nous le sommes tous, nous devons les uns et les autres nous méfier de nos propres réactions afin de ne pas devenir à notre tour des bourreaux pour les autres. » 

Sam BRAUN

Conférence "Le devoir de Mémoire"

Conférence de Jean-Pierre Lauby, président de l'association "Les Enfants de Sam", Centre culturel Jules Isaac, Clermont-Ferrand (le 19 octobre 2017)

«Le devoir de Mémoire » est devenu en quelques décennies une référence usuelle, une forme d’injonction officielle pour inciter les citoyens à conserver et transmettre la mémoire de celles et ceux qui ont perdu leur vie lors des combats des conflits armés du XXème siècle, qui ont été des victimes des génocides perpétrés par les criminels nazis en Europe. Le devoir de mémoire est aussi convoqué pour que soient présents dans nos conscience les crimes contre l’Humanité et  toutes les atteintes à la dignité humaine qui ont laissé de profonds stigmates dans nos sociétés.

Affiche de la conférence

Cette reconnaissance appelle bien entendu une place importante dans l’élaboration et le traitement des programmes scolaires, notamment ceux d’histoire, afin que la véracité historique permette de dominer les passions, les polémiques, toujours vivaces et propres à raviver des rancoeurs, des pulsions racistes et nationalistes, et à lever les hommes les uns contre les autres. Les témoins de ces drames sont là pour exprimer leur vécu, et ce récit est indispensable. Il est ainsi souvent présent dans les salles de classes en apportant des éclairages singuliers dans le cadre du cours et de l’exposé scientifique effectués par les enseignants.

C’est pourquoi, cette expression « devoir de mémoire » mérite qu’on y prêtre attention au-delà des inévitables raccourcis, clichés dont elle peut être habillée. La conférence avait donc pour objectif de rappeler en premier lieu l’historicité de la notion de devoir de mémoire, dont l’usage réitéré par les pouvoirs publics, les associations mémorielles, les anciens résistants, combattants, et déportés et rescapés des camps a tendance à prendre place comme élément de la philosophie et de l’action des Droits – et devoirs – de l’Homme.

Il faut ensuite discuter le devoir de mémoire dans  sa relation avec l’histoire, avec la notion de souvenir, et apprécier la différenciation avec la notion de travail de mémoire. Faut-il parler de Mémoire au singulier ou au pluriel tant les visions des événements sont liées au groupe social auquel on appartient, aux évolutions des lectures et grilles scientifiques produites par la recherche historique, et à la volonté des pouvoirs politiques ?

Enfin il importe de montrer combien cette notion peut être fragile au regard des atteintes nombreuses dont cette mobilisation mémorielle fait l’objet, en particulier par les thèses des négationnistes de toutes natures. On peut aussi se demander si la multiplication des revendications mémorielles et des commémorations n’aboutit pas à jeter la confusion dans les esprits, surtout quand certaines dates font l’objet de contestations et que l’enchaînement rapide des cérémonies peut faire perdre le sens et la lecture historique des événements dont elles sont l’objet.

Jean-Pierre Lauby (octobre 2017)